Il faut avoir beaucoup souffert, pour écrire.

 

Je crois que si j’avais été heureuse, depuis ma prime enfance, je n’aurais jamais écrit. C’est toujours le malheur, la tristesse, l’injustice, et la solitude qui m’ont inspiré. Lorsque l’on est seuls, incompris dans son propre pays, ou même dans son entourage, on observe les autres, on lit des livres qui sont comme des portails ouverts sur le monde extérieur. On essaie de comprendre pourquoi les autres sont ce qu’ils sont, et pourquoi l’on est ainsi faits.

Comme je ne sortais que rarement de chez moi, je regardais les autres depuis mon balcon. J’essayais de décortiquer les différentes expressions des gens qui passaient, qui riaient, qui conversaient. Durant les repas partagés avec ma grand-mère (Que la miséricode de Dieu soit sur elle), elle me racontait des histoires vraies, et j’en apprenais encore davantage sur la vie des autres. C’était comme écouter des livres Audio.

Ma vie elle-même était une sorte de tragédie. Je suis contente qu’elle l’eût été, et qu’elle le reste. Autrement, je n’aurais pas été écrivain. Je n’aurais pas manier des pinceaux, ni joué sur les touches blanches et noirs d’un piano. Je n’aurais pas eu une telle empathie, une telle sensibilité similaire à Flaubert qui disait : « Ce qui erafle les autres, me déchire. » J’aurais été une toute autre personne, autrement. Peut-être aurais-je trouvé une autre façon d’être heureuse que dans la tragédie elle-même.