La douleur de la vie

Comment le lui dire ? Lui faire comprendre ?
Que lui donner la vie, c’est l’offrir à l’attente de la mort.
« Ton père n’est plus là », lui dirais-je, la gorge nouée,
Tes oncles… disparus; sous la terre, les gravats, les décombres ?
Je ne sais plus…

Il était tard, la faim tenait mes paupières ouvertes.
Je marchais, lasse, entre les tentes effondrées
Quand soudain, le ciel a hurlé.
Un fracas, des flammes, des cris qui transpercent.
Des corps en feu… qui dormaient en croyant être saufs.

Ton père, tout près, m’a aidée à me relever.
Nous avons fui. Les larmes brûlaient notre peau
Depuis tant de jours. Tant de familles effacées,
Disséminées… Alors, nous avons remis nos cœurs à Dieu,
Pour qu’il juge les Damnés.

Quelques temps plus tard, une aide, un sac de farine.
Ton père, déjà joyeux à l’idée de ta venue,
S’était précipité. Mais l’occupant,
Le monstre, lui a logé une balle sans pardon. »

Mais je ne peux rien dire, pas encore.
Tu n’es qu’un enfant.
Alors je te berce d’un amour qui panse les silences.

Mon Dieu… que disais-je ?
Ah oui… Que je t’aime tendrement.
Que je rêve de te voir grandir sur la terre de tes aïeux :
À Gaza, en Palestine.
Terre martyre, dressée depuis des décennies
Face à la violence coloniale.

Mais voilà qu’une ombre s’approche.
Je ne distingue que son pas.
S’il me donnait du pain, juste un peu,
Je pourrais te donner la vie.

Mais peut-être mourrons-nous ensemble.

L’ombre avance… monstre ou humain ?
Mitraillette en main, sourire au coin,
Il m’entraîne dans un recoin sans témoin.
Les journalistes sont morts, personne n’entendra
Ni mes cris, ni mes suppliques.
L’ombre s’élève. Un dernier geste.
Et le silence s’abat.

Le monstre s’en ira, libre,
Encouragé dans ses crimes.
Et nul ne saura jamais…
Ni ton nom.
Ni le mien.

Un anniverssaire sans toi

Je suis entrain de faire de l’ordre dans mes écrits. Je retrouve des textes, des poèmes, des notes. Parmi eux se trouvait un poème que j’avais composé quelques jours avant mon anniverssaire. Je venais de perdre ma grand-mère, et l’idée de fêter cela n’avait aucun sens. Tout ce que je voulais, c’était le passer la journée avec elle, à sa dernière demeure.

Près de ta tombe, je dormirai sur la terre

Sur nous, une pluie fine tombera,

Toutes deux, nous resterons blotties dans le froid,

Tandis qu’une bougie, sur un gâteau, brûlera.

A peine deux mois que tu me disais :

« Ma fille, c’est bien le 31 mai ton anniversaire ?

Ma fille, je voudrais que tu sois heureuse et masstoura

Ma fille, quand je mourrai, j’aurais surtout peur pour toi.

Qu’est-ce que tu vas devenir avec ce caractère trop franc ?

Moi je te pardonne tout, mais moi, je ne suis pas les gens

Tu parles aux autres comme si tu parlais à ta grand-mère

Mais les autres ne sont pas tous bons, et toi, tu es trop sincère » 

            

Je m’inclinais et prenais ta main que je baisais tendrement : « Ma Reine,

Tu as trop raison dans tout, et ta sagesse est suprême

Mais écoute-moi : Les autres, on s’en fou, c’est de ton bonheur qu’il s’agit

Toi seule sur cette terre est mon unique souci 

De jour comme de nuit, je ne pense qu’à te garder près de moi

Malade ou flétrie, tu demeures ma plus grande joie »

Bien des nuages sont passés depuis,

Un tourbillon de tempête, un tourbillon de folie

Qui a saccagé ce que j’avais de plus cher

Emportant au loin cet ange, ma mère.

Poème de Dalila Hannouche

Tristesse et impuissance

Le 12 décembre 2019 est un jour que je n’oublierai pas. Quand on voit devant ses yeux, un homme qu’on traîne comme un animal, à qui on assène des coups de pieds. On ne peut que pleurer, pleurer, pleurer. Et puis quand on arrête de pleurer, de ressentir la souffrance de l’injustice; eh bien, on écrit :

Tristesse

Chaque coup qu’on porte à un algérien

Est un coup qu’on porte à mon cœur

Quelle profonde tristesse me submerge

Quand l’impuissance me gagne

Les larmes seulement coulent

Et les doigts se serrent

Ah… Qu’il est triste de voir l’injustice se faire.

Je ne supporte pas qu’un algérien hurle

Sa blessure me larde la peau

Et de son sang qui coule,

J’y vois la source d’un flambeau

Qui alimente sans cesse cette colère qui jamais ne s’éteint

Tant que la liberté n’est pas à portée de main

Dalila Hannouche