Promenade nocturne

Je marchais dans le milieu de la nuit. Des arbres déracinés tendaient leurs branches avec grâce et finesse. Je devais traverser une route longue. Une route sombre et déserte.

Après un long moment (Je ne sais plus combien de temps, j’avais oublié de compter), je levais ma tête au ciel pour me reposer sur un espoir. Quand je vis une étoile qui jaillissait entre des nuages gris. Je m’arrêtai soudain, imaginant que je la rejoignais. Je ne sentais plus le froid, ni même la douleur à mes pieds. J’avais en moi une si grande foi qu’il n’y avait aucun doute en mon coeur.

Alors, je repris ma marche, avec un peu plus de gaieté. L’étreinte que me réservera le soleil pansera peut-être mes plaies.

Indéfinie

On m’avait dit plusieurs fois que je vivais dans mon monde.

Un monde restreint aux merveilles des couleurs, aux histoires des contes de fées, à la musique délicatement jouée.

On m’avait mis dans une case, sans connaître toute ma complexité.

On me disait bizarre « dans le bon sens ». Sage jeune fille, toujours soignée, avec élégance.

Et pourtant, au fond de moi, une dualité coexiste.

Entre la folie exacerbée et la sagesse résolue.

Entre la passion secrète et l’indifférence affichée.

Entre la fuite vers l’avant, et la consciencieuse responsabilité.

Je suis… indéfinie.

Texte : DalilaHannouche

Artiste peintre : Andrew Grant Kurtis

Palestine qui se meurt

J’ai l’impression que ma bouche devient plus petite

Comme si je n’avais plus rien à dire

Je manque d’arguments pour défendre les miens

Palestine, on te tue, on te brise, on lance sur toi des chiens

J’ignorais qu’il fallait se battre contre l’évidence

Que le plus grand ennemi du monde était l’ignorance

Que la victoire et le pouvoir n’appartenaient qu’aux monstres

Que la sauvagerie et les pleurs s’estompaient dans l’indifférence

Quand je vois la Palestine mourir de faim,

Un enfant assasiné devant sa mère plein de chagrin

Des corps entassés, aux oragnes volés

Et que le monde dit : « C’est eux … qui ont commencé! »

Alors ma bouche se rapetisse, s’offusque, s’indigne

L’Histoire pourtant, se rapelle bien de la légendaire Palestine

On parle de justice divine, mais où est la justice humaine?

Si elle ne doit d’abord commencer à l’intérieur de nous-même…

Un anniverssaire sans toi

Je suis entrain de faire de l’ordre dans mes écrits. Je retrouve des textes, des poèmes, des notes. Parmi eux se trouvait un poème que j’avais composé quelques jours avant mon anniverssaire. Je venais de perdre ma grand-mère, et l’idée de fêter cela n’avait aucun sens. Tout ce que je voulais, c’était le passer la journée avec elle, à sa dernière demeure.

Près de ta tombe, je dormirai sur la terre

Sur nous, une pluie fine tombera,

Toutes deux, nous resterons blotties dans le froid,

Tandis qu’une bougie, sur un gâteau, brûlera.

A peine deux mois que tu me disais :

« Ma fille, c’est bien le 31 mai ton anniversaire ?

Ma fille, je voudrais que tu sois heureuse et masstoura

Ma fille, quand je mourrai, j’aurais surtout peur pour toi.

Qu’est-ce que tu vas devenir avec ce caractère trop franc ?

Moi je te pardonne tout, mais moi, je ne suis pas les gens

Tu parles aux autres comme si tu parlais à ta grand-mère

Mais les autres ne sont pas tous bons, et toi, tu es trop sincère » 

            

Je m’inclinais et prenais ta main que je baisais tendrement : « Ma Reine,

Tu as trop raison dans tout, et ta sagesse est suprême

Mais écoute-moi : Les autres, on s’en fou, c’est de ton bonheur qu’il s’agit

Toi seule sur cette terre est mon unique souci 

De jour comme de nuit, je ne pense qu’à te garder près de moi

Malade ou flétrie, tu demeures ma plus grande joie »

Bien des nuages sont passés depuis,

Un tourbillon de tempête, un tourbillon de folie

Qui a saccagé ce que j’avais de plus cher

Emportant au loin cet ange, ma mère.

Poème de Dalila Hannouche

Près du Masjid El Rahman…

L’oiseau posé sur une branche d’arbre
Chantait ses louanges près du Masjid El Rahman
L’oiseau regardait la fontaine qui faisait couler son eau claire
Devant une jeune fille voilée et en grande peine.

L’oiseau chantait ses louanges près du Masjid El Rahman
La jeune fille pensait à la mort et à ses arcanes
L’oiseau continuait son chant, glorifiant la beauté des cieux
La jeune fille, elle, n’avait dans son cœur qu’orages pluvieux.

Sa grand-mère, qui était un ange, reposait là
Près du Masjid El Rahman où chantait l’oiseau las
De regarder la jeune fille pleurer et le soleil lui bruler les joues
Sa grand-mère qui était son pillier dans une vie de fous

Par hommage à cet amour, elle avait planté un oeillet
Qu’un passant, la veille, avait jalousement arraché,
La pauvre grand-mère s’était retournée dans sa tombe
Pensant que sa fille, en voyant ça, allait pleurer encore.

L’oiseau recommença à chanter près du Masjid El Rahman,
Le soleil se couchait et le ciel se poudrait d’or
La vieille grand-mère dans sa tombe, assistait dans son impuissance
Au chagrin de sa fille qui pleurait encore.


Poème de Dalila Hannouche – L’ œillet –

Poème pour ma grand-mère Hnifa

Quelle douceur que sa caresse

Sur mon épaule qui se redresse

Sur son visage qui se plisse

D’un tendre sourire plein d’allégresse

Ma petite grand-mère qui est au ciel

Au paradis, près des anges célestes

Regarde-moi toujours, toujours !

Embrasse-moi du regard à défaut de tes lèvres

Ma jolie reine, si jolie ; grâce incarnée dans la perfection de tes gestes

Je voulais t’habiller en or, mettre une couronne sur ta tête

Te donner des ailes quand tu ne pouvais plus marcher

M’arracher le cœur quand le tiens a cessé de fonctionner

Mourir à ta place et te voir tout recommencer

Oh mon âme, peut-on vivre orphelin d’elle

Quand elle vous a tout donné et vous a rendu femme

Elevé en son sein, gardé loin des drames

Si bien que vous croyiez le monde doté du même charme

Ma petite mère… Dans mon cœur, tu étais grande

Dans ces vers, tu es immense,

Ma vie, tu l’as remplie ; il n’y avait de place pour personne

Ma vie, tu l’as embellie, et maintenant, il n’y a que le silence qui résonne.

Poème de Dalila Hannouche.

Tristesse et impuissance

Le 12 décembre 2019 est un jour que je n’oublierai pas. Quand on voit devant ses yeux, un homme qu’on traîne comme un animal, à qui on assène des coups de pieds. On ne peut que pleurer, pleurer, pleurer. Et puis quand on arrête de pleurer, de ressentir la souffrance de l’injustice; eh bien, on écrit :

Tristesse

Chaque coup qu’on porte à un algérien

Est un coup qu’on porte à mon cœur

Quelle profonde tristesse me submerge

Quand l’impuissance me gagne

Les larmes seulement coulent

Et les doigts se serrent

Ah… Qu’il est triste de voir l’injustice se faire.

Je ne supporte pas qu’un algérien hurle

Sa blessure me larde la peau

Et de son sang qui coule,

J’y vois la source d’un flambeau

Qui alimente sans cesse cette colère qui jamais ne s’éteint

Tant que la liberté n’est pas à portée de main

Dalila Hannouche