Aveugle à force de pleurer

A l’école primaire, on nous avait parlé d’une poétesse arabe « El Khanssa ». En plus de ses poésies, elle était connue pour avoir pleuré son frère durant toute sa vie.

Nombre de ses poèmes ne parlent que de sa tristesse sur ce cher frère tué lors d’une bataille. Lorsqu’elle devint aveugle à force de larmes, elle rencontra le prophète Mohamed, Paix et Bénédiction soient sur lui, qui apporta la guérison dans son coeur. Elle finit par embrasser l’Islam.

Je me souviens de ma réaction lorsque j’étais enfant à propos de ce deuil inconssolable : « Pleurer son frère avec tant d’acharnement. N’était-ce pas trop ? ».

Il y a deux ans, jour pour jour, que j’ai perdu ma grand mère, qui était ma mère et ma meilleure amie. Je comprends El Khanssa, à présent. Cette peine qui n’est pas vaincue, ni atténuée malgré le temps. Une peine qui ne s’use pas comme l’amour que je lui porte. Parfois, je pense qu’il suffirait qu’on me pousse, pour que je tombe. Je ne résiste plus face à la cruauté du monde des vivants. Dans mon coeur, un seul espoir, que ma grand-mère et moi soyons réunies dans un monde de paix.

Allah yarhamha.

Un anniverssaire sans toi

Je suis entrain de faire de l’ordre dans mes écrits. Je retrouve des textes, des poèmes, des notes. Parmi eux se trouvait un poème que j’avais composé quelques jours avant mon anniverssaire. Je venais de perdre ma grand-mère, et l’idée de fêter cela n’avait aucun sens. Tout ce que je voulais, c’était le passer la journée avec elle, à sa dernière demeure.

Près de ta tombe, je dormirai sur la terre

Sur nous, une pluie fine tombera,

Toutes deux, nous resterons blotties dans le froid,

Tandis qu’une bougie, sur un gâteau, brûlera.

A peine deux mois que tu me disais :

« Ma fille, c’est bien le 31 mai ton anniversaire ?

Ma fille, je voudrais que tu sois heureuse et masstoura

Ma fille, quand je mourrai, j’aurais surtout peur pour toi.

Qu’est-ce que tu vas devenir avec ce caractère trop franc ?

Moi je te pardonne tout, mais moi, je ne suis pas les gens

Tu parles aux autres comme si tu parlais à ta grand-mère

Mais les autres ne sont pas tous bons, et toi, tu es trop sincère » 

            

Je m’inclinais et prenais ta main que je baisais tendrement : « Ma Reine,

Tu as trop raison dans tout, et ta sagesse est suprême

Mais écoute-moi : Les autres, on s’en fou, c’est de ton bonheur qu’il s’agit

Toi seule sur cette terre est mon unique souci 

De jour comme de nuit, je ne pense qu’à te garder près de moi

Malade ou flétrie, tu demeures ma plus grande joie »

Bien des nuages sont passés depuis,

Un tourbillon de tempête, un tourbillon de folie

Qui a saccagé ce que j’avais de plus cher

Emportant au loin cet ange, ma mère.

Poème de Dalila Hannouche

Ne plus pouvoir écrire

Suite à la perte de ma grand-mère, qui était la personne que j’aimais le plus au monde, celle avec qui chaque jour comptait, celle pour qui je me battais, celle qui ne m’a jamais quitté depuis le berceau; suite à son déces, à son départ auquel j’ai été témoin, je n’arrive plus à écrire de romans. Je n’arrive plus à lire. Je ne joue plus de piano. Je souris sans savoir comment. Je marche sans savoir où. Je mange sans avoir de goût.

J’ignore encore comment j’écris ces lignes.

En vérité, je n’écris que lorsqu’il s’agit d’elle. J’écris seulement pour conter et partager la peine qui me dévore.

Elle n’est plus là, physiquement, depuis le 17 mars 2021. Et pourtant, elle est là, d’une autre manière.

Le plus douloureux, c’est de savoir que quelqu’un est mort, mais de le sentir encore vivant près de nous, sans pouvoir le toucher, sans pouvoir le voir.

Ma grand-mère, ma mère, le seul être qui m’eut réellement aimé, accepté, adoré, chôyé, écouté, n’existe plus physiquement. Elle n’est pas là. Je ne dirai plus Maman. Je ne composerai plus son numéro. Je ne préparerai plus son café au lait le matin. Je ne brosserai plus ses cheveux blancs. Je ne baiserai plus sa main. Je ne laverai plus ses pieds auxquels je faisais des massages pour qu’elle puisse continuer de marcher.

C’est une blessure dont on ne guérit jamais. Jamais. Jamais. C’est une brûlure qui marque à vie. Mon enfance est partie avec elle. Mes rires, mes rêves. Et enfin, ma volonté d’écrire des romans.

Près du Masjid El Rahman…

L’oiseau posé sur une branche d’arbre
Chantait ses louanges près du Masjid El Rahman
L’oiseau regardait la fontaine qui faisait couler son eau claire
Devant une jeune fille voilée et en grande peine.

L’oiseau chantait ses louanges près du Masjid El Rahman
La jeune fille pensait à la mort et à ses arcanes
L’oiseau continuait son chant, glorifiant la beauté des cieux
La jeune fille, elle, n’avait dans son cœur qu’orages pluvieux.

Sa grand-mère, qui était un ange, reposait là
Près du Masjid El Rahman où chantait l’oiseau las
De regarder la jeune fille pleurer et le soleil lui bruler les joues
Sa grand-mère qui était son pillier dans une vie de fous

Par hommage à cet amour, elle avait planté un oeillet
Qu’un passant, la veille, avait jalousement arraché,
La pauvre grand-mère s’était retournée dans sa tombe
Pensant que sa fille, en voyant ça, allait pleurer encore.

L’oiseau recommença à chanter près du Masjid El Rahman,
Le soleil se couchait et le ciel se poudrait d’or
La vieille grand-mère dans sa tombe, assistait dans son impuissance
Au chagrin de sa fille qui pleurait encore.


Poème de Dalila Hannouche – L’ œillet –

Poème pour ma grand-mère Hnifa

Quelle douceur que sa caresse

Sur mon épaule qui se redresse

Sur son visage qui se plisse

D’un tendre sourire plein d’allégresse

Ma petite grand-mère qui est au ciel

Au paradis, près des anges célestes

Regarde-moi toujours, toujours !

Embrasse-moi du regard à défaut de tes lèvres

Ma jolie reine, si jolie ; grâce incarnée dans la perfection de tes gestes

Je voulais t’habiller en or, mettre une couronne sur ta tête

Te donner des ailes quand tu ne pouvais plus marcher

M’arracher le cœur quand le tiens a cessé de fonctionner

Mourir à ta place et te voir tout recommencer

Oh mon âme, peut-on vivre orphelin d’elle

Quand elle vous a tout donné et vous a rendu femme

Elevé en son sein, gardé loin des drames

Si bien que vous croyiez le monde doté du même charme

Ma petite mère… Dans mon cœur, tu étais grande

Dans ces vers, tu es immense,

Ma vie, tu l’as remplie ; il n’y avait de place pour personne

Ma vie, tu l’as embellie, et maintenant, il n’y a que le silence qui résonne.

Poème de Dalila Hannouche.

Lettre de Beethoven à L’immortelle Bien-aimée

Mon Ange, mon tout, mon moi … pourquoi ce profond chagrin, lorsque la nécessité parle – Notre amour peut-il survivre autrement que par des sacrifices, qu’en ne réclamant pas tout, peux-tu changer que tu ne sois pas toute à moi, et moi pas entièrement à toi _ Ah Dieu contemple la belle nature et apaise tes esprits au sujet de ce qui doit être – l’amour exige tout et à bon droit, ainsi en est-il de moi avec toi, de toi avec moi – seulement tu oublies si facilement que je dois vivre pour moi et pour toi – si nous étions totalement réunis, tu ressentirais cette douleur aussi peu que moi…

…. si nos cœurs étaient toujours serrés l’un contre l’autre, je n’en ferais pas de semblables, ma poitrine est pleine de choses à te dire – Ah – il y a des moments où je trouve que la parole n’est encore rien du tout – égaye-toi – reste mon plus fidèle et seul trésor, mon tout, comme je le suis pour toi, quant au reste, ce sont les Dieux qui doivent nous envoyer ce qui doit être pour nous obligation et devoir.

Déjà du lit mes idées se pressent vers toi mon immortelle bien-aimée, de temps en temps joyeuses, puis de nouveau tristes, attendant du destin de savoir s’il nous écoutera – vivre je ne le puis que totalement avec toi ou pas du tout, oui, j’ai décidé d’errer au loin jusqu’à ce que je puisse voler dans tes bras et me dire chez moi auprès de toi, que je puisse envoyer mon âme tout entourée de toi dans le Royaume des esprits – oui hélas cela doit être – tu le comprendras d’autant mieux que tu connais ma fidélité envers toi, jamais une autre ne pourra posséder mon cœur, jamais – jamais – Oh Dieu pourquoi faut-il se séparer de ce que l’on aime tant, et pourtant ma vie à V. comme maintenant est une vie misérable – Ton amour fait de moi le plus heureux et le plus malheureux à la fois – à mon âge j’aurais maintenant besoin d’une uniformité d’une égalité de vie – cela se peut-il étant donné notre liaison ? – sois calme – aime-moi – aujourd’hui – hier – quel désir baigné de larmes vers toi – toi – toi – ma vie – mon tout – Adieu – Oh continue de m’aimer – ne méconnais jamais le cœur tant fidèle de ton bien-aimé

L.

à jamais à toi
à jamais à moi
à jamais à nous

Le harcèlement moral dans le monde de l’entreprise

Le harcèlement moral au travail peut provenir d’une femme haut placée dans l’entreprise, une femme dont la parole vaudra toujours plus que la vôtre.  Faute de preuves tangibles, vous manquerez de témoignages. Vous-même penserez : « C’est peut-être moi qui divague, moi qui imagine des choses… » Tout le monde a peur d’elle, ou plutôt, tout le monde a peur pour sa place. Aujourd’hui, elle vous persécute, demain, sa cible, ce sera quelqu’un d’autre. Réagir ou Partir ? Une prise de décision qui n’est pas toujours facile.

Lamia a vécu ce que l’on pourrait appeler un harcèlement moral dans son lieu de travail. Elle se revoyait dans le roman de Delphine de Vigan « Les heures souterraines », et comme le personnage principal, elle a quitté quand il était trop tard, quand tout était cassé, quand elle était cassée.

Quelque chose n’est plus. Ça peut être le manque de respect d’un de ses supérieurs hiérarchiques, tout comme ça peut être sa jalousie vorace. Les raisons sont multiples, la liste est longue, mieux vaut ne pas rentrer dans les détails.

Lamia réalisait des choses importantes que lui ou elle n’arrivera jamais à faire. Elle était jolie, même séduisante, appréciée des autres collègues. C’est ridicule, impensable et impossible pour elle, mais pour cette personne, c’était le pire des outrages (Fait à Sarah Keller… Plaisanterie à part, personne ici ne s’appelle Sarah Keller).

Donc, ce supérieur – en général, une femme – souffre cruellement de n’avoir ni mari, ni enfants et qui faute de bonheur familial et de joyeux marmots, a pour seul objectif de pourrir l’existence de Lamia. Sa jeunesse, sa fraicheur, éveillent en elle une blessure peut être plus précieuse que la vie, une blessure pire qu’une maladie. C’est un cancer, c’est son cancer, et elle fera tout pour l’éradiquer, tout pour l’effacer, tout pour que vous partiez.

Lamia, ça peut être vous aussi, ça peut être n’importe qui.

Des idées comme de mauvaises herbes pourries, ne manqueront pas à germer dans l’esprit du supérieur hiérarchique ; on vous isolera de la société : un autre étage, un autre bâtiment, qu’importe, qu’on ne vous voit plus !  La possibilité de vous mettre dans les toilettes du coin n’est pas sans leur déplaire mais ils n’oseront jamais ; ce sera leur rêve secret. On vous fermera les portes du côté de votre bureau afin de n’avoir pas accès à l’ascenseur, et qu’à cela ne tienne, on vous défendra d’ouvrir les fenêtres, en plein mois d’aout et sans climatiseur, en faisant allusion à la terrible pollution qui guette chaque particule oxygénée, à la noirceur soudaine des murs, aux égouts qui peuplent nos rues.

Crise financière oblige, vous continuez à revenir. Votre patron et vos collègues sont quand mêmes adorables, vous les côtoyez chaque jour, le sourire aux lèvres sans jamais rien confier de vos déboires…

La supérieure hiérarchique ne comprend pas votre réaction si insipide, si désinvolte ! Ma parole, vous la chercher !  C’est donc votre faute si elle ne s’arrête pas là et qu’à votre étage seulement, elle coupera l’eau et l’électricité dans les toilettes. La mauvaise odeur est loin de leur faire peur. Ils se croiront imbattable, mieux, indolores…

Le harcèlement au travail, n’est pas à prendre à la légère.  Un supérieur hiérarchique peut aller loin dans ses machineries, dans ses mesquineries. Une tactique des plus redoutables peut se mettre en travers de votre route. Le cercle se resserre quand il y a des complices.

Soyez courageux. Soyez patients mais sachez partir quand il le faut. Quand ça ne devient plus possible, il faut se dire que quelque part, ailleurs, quelque chose de mieux nous attends.

Dalila Hannouche

Tristesse et impuissance

Le 12 décembre 2019 est un jour que je n’oublierai pas. Quand on voit devant ses yeux, un homme qu’on traîne comme un animal, à qui on assène des coups de pieds. On ne peut que pleurer, pleurer, pleurer. Et puis quand on arrête de pleurer, de ressentir la souffrance de l’injustice; eh bien, on écrit :

Tristesse

Chaque coup qu’on porte à un algérien

Est un coup qu’on porte à mon cœur

Quelle profonde tristesse me submerge

Quand l’impuissance me gagne

Les larmes seulement coulent

Et les doigts se serrent

Ah… Qu’il est triste de voir l’injustice se faire.

Je ne supporte pas qu’un algérien hurle

Sa blessure me larde la peau

Et de son sang qui coule,

J’y vois la source d’un flambeau

Qui alimente sans cesse cette colère qui jamais ne s’éteint

Tant que la liberté n’est pas à portée de main

Dalila Hannouche

Souvenirs du Salon du livre d’Alger (2019)

Sabi, une jeune fille qui m’a fait lire ses textes, une féministe engagée, une artiste passionnée et fan de mangas. On s’est tout de suite bien entendues toutes les deux. D’ailleurs, on se ressemble, non? 🙂 Sa petite sœur avait fait un résumé du premier conte « Le monde est bien fait » à sa maîtresse d’école. Si c’est pas mignon tout plein !

Fanny, la belle jeune fille aux cheveux roux. Comment oublier celle qui m’encourage depuis le début ? Quelle chance qu’on se soient croisées. Le hasard fait bien les choses, n’est-ce pas? Je suis sûre que tu deviendras écrivain toi aussi. Ton avis l’année passée m’avait émue. C’était si joliment écrit, si bien exprimé. Merci à toi. Notre passion des mangas ne nous a que davantage rapprochées haha !

Voici Chiraz, la jeune fille au sourire timide. Je me revoyais quand j’étais adolescente… Elle était si émue, c’était la première fois qu’elle recevait une dédicace de la part d’un auteur. J’aurais voulu la prendre dans mes bras, elle paraissait si fragile que j’avais envie de la protéger de laideur du monde extérieur. De la sueur perlait ses mains juste parce qu’elle était à côté de Dalila Hannouche. Alors que moi, j’étais en admiration face à cette innocence que je décris seulement dans mes contes…

Oussama fut la surprise. C’est un peu rare que les lecteurs masculins viennent vers moi. Lui, il l’a fait 🙂 Il a posé des questions, il voulait savoir ce que le livre racontait. Il était attentif aux mots, j’ai beaucoup apprécié notre échange. Finalement, il a dit : »Je prends. » C’est quelqu’un de gentil et de sensible, j’espère que ce livre lui plaira 🙂

Anis. Physicien et lecteur assidu, passionné de livres mais aussi de physique quantique ! Rencontre mémorable, sourire rafraîchissant ! Le livre « Révèle-moi ton secret » a été son coup de coeur de l’année 2019 🙂

L’inspiration, cette étincelle !

Quand on imagine un personnage, on ne peut pas s’empêcher de fouiller dans notre mémoire; un visage nous revient, un regard, un geste. Puis soudain, c’est l’étincelle. Le début d’une histoire, d’autres personnages apparaissent. Un sentiment rare et précieux nous attire vers eux. Nous sommes dans l’immersion. C’est l’aventure du roman…

Cette photo est celle de Alice Liddell, la petite fille pour laquelle Lewis Caroll a écrit Alice au pays des merveilles. J’avoue qu’elle est très inspirante : )

Alice Liddell, la petite fille pour laquelle Lewis Caroll a écrit Alice au pays des merveilles